Le 19 mars dernier, Le Havre Port Center recevait Orange. Moment important pour la société française de télécommunications qui annonçait le déploiement de la 5G dans le port du Havre. Le Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O et Edouard PHILIPPE, Maire du Havre étaient présents. Lors de la conférence de presse Stéphane RICHARD, PDG d’orange a partagé les détails de ce déploiement. Baptiste MAURAND, Directeur Général HAROPA – Port du Havre, a quant à lui, fait valoir les intérêts pour le port du Havre et précisé les applications.
Qu’est-ce la 5G ?
La 5G est la 5ème génération de réseaux mobiles. Les années 90 ont connu la 2G ou GSM, les années 2000, la 3G, puis la 4G durant les années 2010, logiquement, la 5G s’installe pour la décennie en cours. Chacune de ces générations a permis le développement de services liés. La 5G se veut évolutive et son offre devrait s’accroître avec le temps. Au-delà d’une augmentation du débit sans engorgement, les innovations sont au cœur de la technologie, pour les professionnels comme les particuliers. Parmi elles, le « network slicing » est très attendu. Cette caractéristique permet de réserver certaines parties de la bande passante à des usages précis, sans risque de perturber les autres communications. La bande passante est donc maîtrisée en fonction du besoin et peut être mobilisée spécifiquement lors d’une gestion de crise par exemple.
Force est de constater que la 5G est sujet à débat. Certains sont pour tandis que d’autres y sont opposés. Les risques potentiels liés aux ondes électromagnétiques constituent l’objet principal du débat. En effet, la 5G utilise des bandes de fréquence différentes des générations précédentes : la bande 3,5 GHz (3,4 – 3,8 GHz) permettra d’assurer l’objectif de couverture en téléphonie mobile 5G et la bande 26 GHz (24,25 – 27,5 GHz) couvrira des besoins de communication pour un grand nombre d’objets et avec une faible latence sur une zone géographique très localisée. Le gouvernement a saisi en janvier 2019 l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) afin de conduire une expertise sur « l’exposition de la population aux champs électromagnétiques de la technologie de communication 5G et aux effets sanitaires associés ». L’Agence a, en collaboration avec l’ANFR (Agence Nationale des Fréquences) publié un rapport préliminaire sur l’avancement de ses travaux (https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2019SA0006Ra.pdf).
L’anses, dans sa synthèse, constate un manque de données scientifiques et préconise de dissocier les études relatives aux bandes de fréquences autour de 3,5 GHz de celles situées autour de 26 GHz. Cependant, concernant la première bande citée précédemment, le rapport indique : « Il est possible de considérer, dans un premier temps que, dans le domaine des interactions biophysiques entre les champs électromagnétiques et le corps humain, l’exposition à des fréquences de l’ordre de 3,5 GHz est proche de l’exposition à des fréquences légèrement plus basses, par exemple 2,45 GHz, telles que celles utilisées pour les communications Wi-Fi. »
Quant à la bande de fréquence 26 GHz, aucune étude sur la fréquence en question existe dans la littérature, « Toutefois, les effets des ondes millimétriques ont été largement étudiés dans la littérature considérant des expositions à des fréquences comprises entre 40 et 60 GHz. Les groupes de travail impliqués dans ces travaux ayant établi qu’il est « concevable de supposer que les effets biologiques potentiels des champs électromagnétiques dans cette gamme de fréquences [autour de 30 GHz] sont similaires à ceux des champs électromagnétiques à des fréquences légèrement plus élevées (comprises entre 40 et 60 GHz) », les expertises de l’Anses […] n’avaient identifié aucun mécanisme d’interaction onde – cellule pour la bande de fréquences considérée (24 – 30 GHz) »
L’agence souligne également un point important lié à l’utilisation des fréquences « pour atteindre les performances annoncées, la 5G utilisera des antennes dites « intelligentes », de type « MIMO12 ». Ces dispositifs comportent de nombreuses petites antennes, permettant ainsi de focaliser l’émission sur une zone donnée ; elles permettent ainsi de diriger le signal radio uniquement vers les utilisateurs quand ils en ont besoin plutôt qu’il soit émis dans toutes les directions de manière constante. Les puissances instantanées seront donc plus importantes, mais théoriquement plus limitées dans le temps et dans l’espace, ce qui modifiera les schémas d’exposition des utilisateurs. »
Dans l’attente d’autres études et du rapport final, impossible de nier la révolution numérique constituée par la 5G. Cette révolution est principalement due, à la 5G dite stand alone, qui apportera des fonctions de gestion intelligente du réseau et une interactivité en temps quasi-réel. Elle devrait être déployée, selon l’ARCEP, autour de 2022. Cela devrait permettre d’accroître la qualité et la fiabilité des communications. Mais principalement, cela permettra le développement de l’expérience numérique (réalité virtuelle et augmentée) et l’accroissement de l’internet des objets, IoT (automobile, capteurs divers, robots industriels). Les applications seront nombreuses et permettront la transition vers la Smart City et l’industrie 4.0. À cet égard, la 5G constitue un enjeu de compétitivité, pour les ports, les industries et les villes.
Les modèles portuaires en mutation ?
Cette compétitivité, engendrée par la 5G, appelle les territoires portuaires à se positionner et à intégrer de nouveaux services à leur offre. En Europe, Rotterdam, Anvers et Hambourg font figure de pionniers.
À Rotterdam, une collaboration entre différents acteurs a été lancée en novembre 2018. L’opérateur KPN a déployé un réseau 5G expérimental. Certains industriels du territoire participent à l’expérience. Parmi eux, Shell qui a l’ambition de mettre à profit la 5G pour l’entretien de ses pipelines par exemple. Le port d’Anvers s’est aussi doté d’un réseau expérimental fin 2019. Comme au Havre, Orange l’a installé.
L’Europe mène un projet nommé 5G-LOGINNOV, réunissant 15 partenaires et ayant pour objectif d’évaluer et de présenter la valeur ajoutée de la technologie 5G dans la logistique lors des opérations portuaires sur 3 ans. Trois Living Labs portuaires ont été choisis : Athènes, Hambourg et Luka Koper.
Autre exemple, le port de Livourne, en Italie qui exploite les technologies 5G pour améliorer l’échange d’informations en temps réel entre les différents acteurs du terminal portuaire. Une réduction des émissions de CO2 de 8,2 % par opération est envisagée.
Concernant HAROPA-Port du Havre, différentes expérimentations sont en cours notamment à travers le 5G Lab. Projet porté par HAROPA-Port du Havre, Siemens, Nokia et EDF dans le cadre de l’appel à projet Le Havre Smart Port City. L’objectif est, à travers des ateliers d’idéation, d’identifier et définir de nouveaux cas d’usage mobilisant la technologie 5G sur la zone industrialo-portuaire. Deux champs sont particulièrement explorés : la manutention et les industries. Des applications dans le domaine de l’énergie sont également envisagées, telles que le pilotage de « smart grids » ou la recharge de véhicule électrique.
Le port du Havre y voit d’autres applications très concrètes, notamment concernant le dragage. En effet, le Directeur du port du Havre explique que l’utilisation de la 5G pourrait permettre de réduire le nombre de passages de la drague entretenant quotidiennement le chenal d’accès au port. Ce chenal et donc, son entretien, sont capitaux pour les armateurs dont les bateaux sont dotés de tirant d’eau proportionnel à leur taille gigantesque. La drague déplace donc environ 2 millions de m3 de sédiments par an. Afin de déterminer les besoins, les fonds marins sont cartographiés. Cela génère de nombreuses informations essentielles aux hydrographes pour statuer sur le nombre de passages nécessaires. La 5G permettrait d’envoyer directement les informations vers les hydrographes qui gagneraient un temps considérable et pourraient alors affiner les besoins et limiter l’impact sur les fonds marins.
D’un point de vue purement économique, la 5G pourrait entraîner une baisse des coûts sur plusieurs plans et surtout, permettrait de gagner des parts de marché. Le déploiement de la technologie est donc un message clair envoyé par Baptiste MAURAND aux clients, industriels et armateurs, indiquant que le port du Havre est « numériquement prêt, fiable et capable ». Ce sont donc de nouveaux services aux entreprises développés qui pourrait faire basculer la révolution numérique en révolution industrialo-portuaire.
Le sujet sera certainement au cœur du développement et de la pérennité de la place portuaire havraise. De nouveaux services et modèles y seront associés. La feuille de route semble prendre forme et se concrétiser. Affaire à suivre.